Concevoir un hôpital vraiment intelligent
Les technologies numériques sont de plus en plus présentes dans notre quotidien, et la démarcation entre la réalité physique et la réalité numérique est déjà floue. Il en va de même aussi bien dans le monde de la médecine et des soins de santé que dans les secteurs du voyage et de la vente de détail.
Il existe déjà des applications pouvant être utilisées sur des ordinateurs portables, tablettes ou téléphones mobiles pour interagir avec des professionnels de la santé, comme GP at Hand, développée par Babylon Health pour fournir des conseils virtuels d’omnipraticiens. Le ministère de la Santé du Royaume-Uni, le NHS, a déjà déployé des dossiers de santé électroniques à la grandeur du pays que les professionnels de la santé inscrits peuvent consulter en tout lieu, dans les hôpitaux, les cliniques, les cabinets de médecine générale et au domicile de patients.
Mais si on pouvait concevoir un hôpital vraiment intelligent? Un immeuble avec un « cerveau » numérique et une intelligence artificielle qui peuvent se connecter aux besoins des patients et y répondre à tous les égards? Ça s’en vient plus rapidement qu’on pourrait le croire. Imaginez un hôpital où l’immeuble sait que vous vous êtes cassé le bras et qui peut mobiliser en temps opportun l’équipe médicale, la salle de traitement, le matériel et les fournitures médicales nécessaires, et vous envoyer une invitation à vous présenter à un rendez-vous avec le bon personnel clinique?
Ce scénario pourrait grandement faciliter les interactions avec les hôpitaux, mais la mise en place de tels services intelligents dans la plupart des hôpitaux existants constitue un grand défi. Les hôpitaux sont souvent dans des immeubles vieillissants, et leurs systèmes de TI, conçus et déployés à la pièce au fil des années, ne sont pas intégrés. Cela complique l’élaboration d’une stratégie numérique qui intègre une vaste gamme de systèmes médicaux, techniques et d’exploitation tout en permettant aux patients d’accéder à l’information dont ils ont besoin sur différents appareils.
La conception d’un hôpital vraiment intelligent nécessite de repenser l’immeuble pour y intégrer l’Internet des objets, une plateforme où les objets physiques et la technologie numérique se rejoignent. Seule une plateforme numérique centrale peut permettre de regrouper efficacement tous les aspects de l’exploitation d’un hôpital, ses services, infrastructures et équipements, pour en permettre un fonctionnement vraiment intelligent.

Comment y arriver? Je crois que le point de départ doit être une conception axée sur les personnes, à la lumière de ce qui fonctionne bien dans nos hôpitaux et ce qui pourrait être amélioré.
Pensons à des exemples précis. Des sondages réalisés par de nombreux hôpitaux indiquent que les gens ont une expérience plus positive quand ils se sentent écoutés et qu’on répond à leurs préoccupations. Une attente est beaucoup plus facile à accepter si on en explique la raison et qu’on indique l’heure à laquelle elle prendra fin, par exemple. Ainsi, si les patients et visiteurs pouvaient se connecter à des services de données de l’hôpital avant d’arriver sur les lieux, ils pourraient être informés de tout retard à prévoir. Ils pourraient s’inscrire en ligne, et réserver et payer une place de stationnement à proximité de leur destination sur le campus de l’hôpital. Le personnel de l’hôpital serait prêt à les recevoir, informé de leur arrivée imminente. Les technologies intelligentes pourraient fournir des services de localisation et d’orientation adaptés aux besoins individuels, évitant selon le cas les escaliers ou couloirs achalandés. En cas d’urgence, les technologies intelligentes pourraient, en temps réel, situer des membres clés du personnel, comme une cardiologue, et communiquer avec eux, ou localiser et mobiliser l’équipement nécessaire, comme un défibrillateur.
Sur les étages, les patients et le personnel pourraient interagir avec les installations techniques sur un appareil de type tablette ou parler à un assistant vocal pour demander des services. Les réglages des systèmes de chauffage, ventilation et conditionnement d’air (CVCA) pourraient être modifiés automatiquement. L’éclairage intelligent s’arrimant aux rythmes circadiens qui régissent notre santé mentale et physique offre d’énormes avantages : il aide au processus de rétablissement et utilise la lumière naturelle, ce qui réduit la consommation d’énergie et les coûts d’exploitation.
La sécurité peut être améliorée grâce à l’utilisation des technologies numériques de reconnaissance faciale. Cela peut permettre ou empêcher l’accès à des zones d’accès restreint et garantir que les patients ne sont soignés que par de véritables cliniciens. La technologie pourrait aussi être utilisée pour suivre les patients et visiteurs, dans le respect des ententes nécessaires sur la protection des renseignements personnels, afin de jumeler, par exemple, des enfants à leurs parents ou gardiens à des fins de sécurité.
Prises individuellement, ces technologies peuvent améliorer la manière de fonctionner de nos hôpitaux, mais elles ne pourront livrer leur plein potentiel que si tous les canaux numériques sont intégrés de manière harmonieuse et reliés à la façon dont l’hôpital est construit. La conception et la construction d’un hôpital vraiment intelligent doivent tirer pleinement profit des nouvelles technologies en évolution; l’hôpital doit être doté d’une plateforme centrale ou « cerveau numérique ».
Bon nombre des technologies nécessaires à la conception d’hôpitaux vraiment intelligents existent déjà ou pointent à l’horizon. Les défis relèvent plus de la volonté d’engager les ressources suffisantes pour les construire. La livraison d’un hôpital, depuis la naissance du projet, prend habituellement une dizaine d’années, et il peut avoir une durée de vie de 60 ans. Il doit donc être intelligent sur le plan technologique, résilient et, surtout, souple et adaptable aux besoins changeants en matière de soins de santé.
À mon avis, c’est un investissement qui en vaut le coût. Les hôpitaux intelligents améliorent la vie des patients, des visiteurs et de leur personnel, permettent des économies de temps et d’argent et réduisent les impacts sur l’environnement au bénéfice de tous.